
« Nous partageons avec la Mission Ecoter un objectif commun : accompagner la transformation numérique et l’innovation dans tous les territoires. »
Énarque et diplômé de l’Essec, Olivier SICHEL est l’un de nos dirigeants français qui connait le mieux le monde de l’entreprise et celui des territoires, et de ce fait la relation public-privé. À la tête de la Banque des Territoires, ce passionné par le Numérique et les nouvelles technologies entend bien continuer à lutter contre les différentes fractures des territoires.
Entretien avec le Directeur de la Banque des Territoires.
Mission Ecoter : Olivier SICHEL, vous dirigez la Banque des Territoires depuis sa création en mai 2018, cette direction de la Caisse des Dépôts et Consignations était une attente des élu.e.s qui en attestent aujourd’hui de son utilité, l’aménagement numérique est l’une de vos priorités comment se concrétise -t-elle ?
Olivier SICHEL : La Banque des Territoires agit en faveur du développement numérique des territoires français en s’inscrivant dans la continuité des missions historiques de la Caisse des Dépôts : agir « au service de l’intérêt général et du développement économique du pays ».
L’action de la CDC et de la Banque des Territoires sur le numérique constitue une réponse concrète aux demandes des collectivités et des citoyens. Elle recouvre une grande diversité de sujets : l’accès au très haut débit ; la mise en œuvre de services smart city ; une politique d’open data ; un accès aux services publics numériques, la protection des données personnelles, le tout en toute indépendance et en toute transparence. Techniquement, cela se traduit par des mécanismes de financements différents : prêts, investissement en fonds propres, mécanismes de garantie mais également par des offres complètes d’accompagnement qui mobilisent des expertises pointues d’ingénierie, d’accompagnement juridique et financier, d’experts du développement territorial, de partenaires publics et privés.
Deux grands objectifs stratégiques guident l’intervention de la Banque des Territoires vis-à-vis du numérique. Permettre à chacun, en tout point du territoire d’avoir accès à une bonne connexion numérique, et d’autre part, de bénéficier, grâce au numérique, de services qui facilitent la vie au quotidien. Dans chacun des cas, il s’agit pour la Banque des Territoires de soutenir les initiatives d’intérêt général qui ne sont pas couvertes par le marché.
Pour la couverture du territoire en très haut débit, les métropoles n’ont pas besoin de nous, la couverture est rentable, le privé s’en charge. Mais ce n’est pas le cas de tous les territoires, et en particulier des territoires ruraux. Aussi, nous agissons avec tous ces territoires moins « favorisés » pour concrétiser cette promesse du THD pour tous pour l’ensemble des citoyens. Notre positionnement, c’est d’aller financer au côté des acteurs publics territoriaux le raccordement très haut débit des zones principalement rurales ou mal desservies par les opérateurs. Dans ces territoires, avec la dynamique des réseaux d’initiative publique, l’équilibre ne peut se faire qu’avec des acteurs qui acceptent de prendre des risques sur des périodes très longues et avec un dispositif subventionnel et conventionnel organisé par le Plan THD du gouvernement et les collectivités territoriales. Notre rôle est à la fois celui d’accompagnement en amont et celui d’investisseur dans ces zones » d’initiative publique ». Au XXIe siècle, un territoire qui n’est pas connecté c’est un territoire qui se meurt.
Et pour connecter les territoires, il n’y a pas que la fibre ! Nous accompagnons également des collectivités sur leurs projets de Wi-Fi territorial et réfléchissons avec eux sur leurs problématiques de couverture intérieure des bâtiments. Nous nous mobilisons aussi sur des sujets plus prospectifs tel que l’accompagnement des villes dans le déploiement de réseaux d’objets connectés et nous étudions les opportunités liées à l’arrivée de la 5G, notamment pour les territoires d’industrie.
Une fois les infrastructures déployées, nous accompagnons les acteurs publics locaux sur les usages qui découlent du numérique. Le numérique doit être un outil au service des stratégies et politiques publiques des collectivités. Il n’existe pas de modèle unique de ville intelligente, chaque ville développe ses projets en fonction de son contexte local, de ses besoins, de ses priorités, de sa géographie et surtout de la vision qu’elle a pour son avenir. Dans le domaine de la « smart city », la Banque des Territoires accompagne les collectivités qui le souhaitent à travers trois volets : le conseil, l’investissement, et l’expérimentation.
Outre les actions menées pour accompagner des villes dans l’élaboration de leurs stratégies et projets smart city, nous publions régulièrement des guides et études à destination des élus et décideurs locaux pour partager les bonnes pratiques sur des thématiques aussi prospectives que très actuelles. A titre d’exemple, nous avons récemment publié une étude sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les collectivités et un guide sur la redynamisation des commerces de centre-ville grâce au numérique. Des services digitaux sont également mis gratuitement à disposition des collectivités sur notre plateforme www.banquedesterritoires.fr comme par exemple un annuaire qui recense plus de 250 entreprises de la smart city.
La Banque des Territoires investit aussi dans des projets innovants et des startups dont les solutions sont particulièrement dédiées et adaptées aux territoires, comme Cap Collectif, un outil numérique de participation citoyenne, ou Clem, entreprise de mobilité partagée en milieu péri-urbain. Nous soutenons aussi des expérimentations qui intègrent des dimensions innovantes, technologique, sociale ou environnementale comme à Besançon avec un projet de visualisation, de prévision et de réduction des déchets.
M.E. : En termes d’accompagnement des collectivités territoriales, il y a notamment le programme « Action Cœur de Ville », quel bilan pouvez-vous en tirer aujourd’hui ?
O.S. : La Banque des Territoires est particulièrement impliquée dans le programme Action Cœur de Ville. Au côté de l’État, nous souhaitons mobiliser plus d’un milliard d’euros en soutien en ingénierie et pour le financement des projets des villes du programme : aujourd’hui, nous avons déjà engagé plus de 350 millions dans des projets locaux.
L’innovation est un marqueur fort de l’intervention de la Banque des Territoires au titre du programme Action Cœur de Ville. Cela répond à des convictions profondes : la « smart city » n’est pas réservée qu’aux métropoles. Les villes moyennes doivent pouvoir s’emparer de cette opportunité via des offres adaptées. Par ailleurs, l’innovation constitue une opportunité pour renforcer l’attractivité des villes moyennes, la performance des services publics, ou encore la participation des habitants à la vie de leur cité.
De fait, les villes du programme Action Cœur de Ville manifestent un réel intérêt pour l’innovation et la smart city : environ 75% des conventions-cadre faisaient état d’un projet autour du numérique ou de l’innovation ; le SiVIIM [Sommet de l’innovation dans les villes médianes] organisé à Nevers et dont nous sommes partenaire, rencontre un franc succès depuis deux ans. Parallèlement, de plus en plus de startups et d’entreprises innovantes proposent des offres spécifiques pour les villes moyennes.
Pour autant, nos échanges avec les décideurs locaux ont montré que les villes avaient parfois besoin d’une boussole pour se repérer dans ce nouveau marché des solutions numériques, que la mise en œuvre de projet « smart » nécessitait une expertise qui n’était pas toujours accessible aux villes moyennes. C’est pourquoi la Banque des Territoires a souhaité mettre l’accent sur l’ingénierie et le soutien aux innovations, en mobilisant 50 M € sur cinq ans pour financer et cofinancer des études et des missions d’accompagnement afin d’apporter une réponse adaptée aux besoins de chaque collectivité : pour les villes déjà engagées dans une dynamique d’innovation, nous intervenons sur de l’ingénierie opérationnelle pour faciliter la réalisation des projets ou encore sur le financement d’expérimentations ; pour des villes pour qui la smart city constitue un nouvel enjeu, nous avons lancé l’offre SCAN, une offre d’accompagnement financée à 100 % par la Caisse des Dépôts, qui a vocation à faciliter l’amorçage d’une feuille de route smart city.
Au-delà du financement direct en ingénierie, nous sommes susceptibles d’apporter d’autres réponses pour aider les villes moyennes dans le développement de leur projet smart city : par le biais des startups dans lesquelles nous avons investi, qui proposent des solutions concrètes aux villes du programme ; par le biais de nos partenariats, par exemple avec Opendatafrance, ou enfin par la mise à disposition de services digitaux intégrées à la Plateforme de la Banque des Territoires, comme Dataviz Cœur de ville : un service innovant de diagnostic territorial et de suivi des actions du programme. L’objectif, c’est de faire en sorte que les collectivités puissent au mieux mettre l’innovation au service de leur projet de redynamisation, dans un monde fortement marqué par la transition numérique.
Aujourd’hui, une soixantaine de villes bénéficient d’un soutien en ingénierie de la Banque des Territoires au titre de l’innovation et nous souhaitons pouvoir amplifier la dynamique en 2020, en travaillant avec les équipes actuelles avant de s’engager auprès des nouveaux exécutifs au printemps.
M.E. : Comment se positionne la Banque des Territoires par rapport aux différents acteurs locaux et associations comme la Mission Ecoter ?
O.S. : Nous partageons avec la Mission Ecoter un objectif commun : accompagner la transformation numérique et l’innovation dans tous les territoires. Les villes petites et moyennes développent des solutions novatrices et la Banque des Territoires leur apporte son soutien constant, à travers le programme Action Cœur de Ville et bientôt dans le cadre du plan « Petites villes de demain ». Les questions de smart ruralité seront donc en 2020 un enjeu important pour la mission Ecoter comme pour la Banque des Territoires qui pourra apporter son expertise et sa connaissance du terrain pour s’assurer que les innovations se déclinent bien dans de nouveaux usages ancrés dans les territoires. Notre collaboration avec la mission Ecoter pour l’année 2020 portera également sur d’autres préoccupations communes telles que l’inclusion numérique, la sensibilisation des décideurs locaux sur les questions liées à la cybersécurité, l’arrivée de la 5G ou encore la protection des données.
En plus de diffuser l’expertise et la connaissance via ses colloques et formations, la mission Ecoter favorise les échanges de bonnes pratiques et les partages d’expériences entre collectivités désireuses d’innover. A travers son partenariat avec la mission Ecoter, la Banque des Territoires renforce donc son soutien aux collectivités et contribue à l’accélération de leur transformation numérique, et, plus globalement, au développement de l’innovation dans les territoires. En 2020, nos liens avec la Mission Ecoter ont vocation à se renforcer encore davantage et nous ne doutons pas que cette collaboration sera bénéfique pour les territoires.
A l’approche des élections municipales, l’enjeu pour la Banque des Territoires est d’être rapidement identifiée par ceux qui ne connaitraient pas encore ses directions régionales, ses missions, ses offres et ses équipes. Les débuts de mandat sont souvent consacrés à la mise en place de stratégies et à la programmation de projets. L’accompagnement proposé par la Banque des Territoires en méthodologie et en ingénierie est à ce moment-là particulièrement utile pour accélérer l’élaboration des projets. Nous serons donc fortement mobilisés pour appuyer les équipes qui souhaiteront être accompagnées afin d’œuvrer, aux côtés de la mission Ecoter, pour bâtir des territoires plus durables, plus connectés, plus inclusifs et plus attractifs.
Droits photo : Banque des Territoires – 2020