« La crise sanitaire que nous traversons montre à quel point les réseaux de communications et les outils numériques sont devenus indispensables tant à l’économie qu’à la cohésion sociale et territoriale. »
Ancien Sénateur-Maire de Garches, Président de l’Établissement public d’aménagement de La Défense (EPAD) en 2006, Président du SYCTOM, Jacques Gautier vient d’être nommé Vice-Président de la Mission Ecoter où il entend participer activement au développement des nouvelles technologies à la condition qu’elles soient un moyen et non une fin en soi, notamment dans le service public.
Mission Ecoter : Jacques Gautier, vous êtes à la tête du SYCTOM, qui est le plus important syndicat européen de traitement et de valorisation des déchets. Ce n’est un secret pour personne, la gestion des déchets est un enjeu primordial pour nos territoires. A ce propos quel est votre regard et vos ambitions dans ce domaine ?
Jacques Gautier : Le SYCTOM, l’agence métropolitaine des déchets ménagers regroupe 85 villes dont Paris, et traite les déchets de 6 millions d’habitants. Compte-tenu de notre taille, nous sommes le premier service public de France et d’Europe. Cela nous oblige à être exemplaire, performant, innovant et à nouer de nombreux partenariats, notamment avec d’autres syndicats limitrophes. L’année 2019 a marqué une étape dans la prise de conscience des enjeux liés à la gestion des déchets. Les effets croisés du réchauffement climatique et de la pollution des océans par le plastique rendent désormais audible la nécessité de réduire collectivement la production de déchets au niveau national et mondial. Nos concitoyens sont incités à adopter de nouveaux comportements de consommation, de préservation des ressources, et de tri des déchets et les entreprises devront assumer leur responsabilité en particulier celles liées à l’éco-conception et la recyclabilité des produits mis sur le marché.
Des pistes de progrès émergent donc. La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire en est un exemple, les collectivités locales ont été consultées quant à sa mise en œuvre pour atteindre des objectifs européens de collecte. Dans le cas particulier des bouteilles en plastique, la loi a retenu l’idée que la consigne pour recyclage n’était pas la meilleure formule pour atteindre des résultats probants. Le service public de traitement des déchets est en mesure d’amener cette responsabilité.
Ancrer le tri des déchets dans les habitudes des Français reste un défi. Les chiffres, encore insuffisants, montrent que le mouvement devra néanmoins être sérieusement amplifié. A minima, une campagne nationale de communication d’envergure et réitérée du gouvernement sera nécessaire. Au niveau local, les acteurs du territoire pourront s’en saisir pour envisager des solutions pragmatiques comme a pu le faire le SYCTOM avec la campagne qu’il a mené dans la presse de son territoire sur l’extension des consignes de tri.
Notre ambition c’est aussi de conduire une réflexion globale sur la chaîne des déchets ménagers.
L’État vient de nous confier la coordination, en lien avec la Région Île-de-France et la Métropole du Grand Paris, d’un groupe de travail portant sur l’analyse et le diagnostic en matière de prévention, collecte et traitement. Bien sûr, cela concerne également la sensibilisation aux bons gestes de tri, l’harmonisation des dispositifs comme l’intégration dans l’économie circulaire. Ce travail permettra d’améliorer sensiblement les résultats dans la filière des ordures ménagères et d’en réduire probablement les coûts, tout en améliorant l’engagement de nos concitoyens.
Les résultats pour notre zone urbaine dense devront, bien sûr, être expertisés et adaptés ailleurs. Il s’agit d’aller vers une territorialisation des solutions pour répondre, au meilleur coût, aux enjeux différenciés des régions. Nous sommes responsables devant les citoyens de l’usage qui est fait de leur contribution à la gestion des déchets ménagers. C’est donc également pour cette raison que nous avons collectivement déplorés l’augmentation forte de la TGAP qui pénalise les services publics engagés dans la recherche de performances environnementales, représentant une fiscalité supplémentaire et non incitative.
L’expertise du SYCTOM est reconnue et sollicitée. Nous nous sommes donné depuis quelques années, la mission de faire émerger la question de gestion et du traitement des déchets au bon niveau international.
Nous développons des partenariats et une activité de conseil auprès d’un certain nombre de pays ou grandes collectivités. La tâche est gigantesque à l’instar des institutions et associations internationales qui se mobilisent pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur les questions d’accès à l’eau potable et à l’assainissement, nous ambitionnons que la collecte et le traitement des déchets ménagers fassent l’objet d’un consensus international et soient identifiés comme un service public essentiel dû aux citoyens. Gérer et traiter les déchets, en France, comme ailleurs, représentent une charge financière importante, inabordable dans bien des régions du monde.
Partout, ce sont bien des élus et leur administration qui sont en première ligne pour relever ces défis locaux, territoriaux, nationaux et internationaux.
M.E. : Le Numérique dans les Territoires est dans l’ADN de la Mission Ecoter, vous venez d’en être nommé Vice-Président. Comment entrevoyez-vous cette nouvelle responsabilité ?
J.G. : Tout d’abord je tiens à remercier les instances de la Mission Ecoter pour la confiance qu’elle m’accorde. Je suis extrêmement fier d’être désormais à ses côtés, notamment dans la nouvelle dynamique impulsée par le Président, Christian Estrosi. A cet égard, et bien modestement, j’entends apporter à la Mission Ecoter mon expérience, tant dans le domaine des collectivités que dans celui de l’entreprise.
Comme vous le savez, je n’appartiens pas à la génération d’élus locaux née avec le Numérique ! En revanche, cela fait maintenant près de deux décennies que j’en mesure les formidables avantages mais aussi que j’en aperçois les limites et les risques.
Puisque la numérisation de notre société est en marche, il nous faut en tirer le meilleur parti pour faciliter le quotidien des administrés et enrichir les compétences des élus comme le pratique la Mission Ecoter avec notamment la formation.
La crise sanitaire que nous traversons montre d’ailleurs à quel point les réseaux de communications et les outils numériques sont devenus indispensables tant à l’économie qu’à la cohésion sociale et territoriale. C’est en ce sens que cette crise a pointé les insuffisances de couverture et défauts de qualité des infrastructures et parfois, exacerbé les inégalités territoriales auxquelles il faut absolument et de toute urgence remédier. Elle a également été révélatrice d’une autre fracture numérique, celle des usages et de « l’illectronisme », en excluant des millions de citoyens qui, faute d’équipement ou de capacité à en faire usage, se retrouvent exclus malgré eux au moment même où notre société doit faire corps.
Aussi, à l’heure de la virtualisation des services en particulier pour les guichets de l’administration, je serai particulièrement attentif, aux côtés de la Mission Ecoter, à ce que tous puissent continuer à bénéficier d’un service public de qualité et donc à la faciliter. Faciliter également la relation directe aux élus et aux agents des administrations pour que ceux-ci s’enrichissent du numérique sans s’y substituer systématiquement ou arbitrairement et surtout pas au détriment du lien social.