Rencontre avec Olivier PAZ, Maire de Merville-Franceville-Plage
« Les territoires représentent habituellement les deux tiers de la commande publique. »
A la tête de la ville de Merville-Franceville-Plage (14), depuis 1989, Olivier Paz, Président de la Communauté de Communes Normandie Cabourg Pays d’Auge et Président de l’Union des Maires du Calvados, est passionné par son territoire. Rencontre avec un authentique homme de terrain qui n’hésite pas à mettre en avant la solidarité territoriale au service de ses concitoyen.ne.s.
Mission Ecoter : Monsieur le Maire, au regard de la situation sanitaire actuelle, les nouvelles technologies sont plus que jamais présentes dans notre quotidien : application santé, télétravail… N’y a-t-il pas le risque que cette « exception » perdure dans le temps au risque de rompre en partie le lien social ? Et à cet effet, ne faut-il pas repenser totalement notre modèle de société ?
Olivier Paz : Effectivement certaines pratiques, vulgarisées par la contrainte sanitaire risquent de perdurer. Les visioconférences nous ont fait mesurer qu’elles pouvaient parfois remplacer de longs, couteux et fatigants déplacements. Pour les réunions à caractère technique notamment, je pense que l’on ne reviendra pas en arrière. Toutefois ce n’est pas toujours la panacée. Pour présider et animer un Conseil communautaire avec 65 conseillers, c’est infiniment moins facile et agréable qu’en présentiel. Les débats sont moins fluides, les échanges moins vifs, les prises de parole plus cadrées. Cela permet de se rendre compte combien le regard, les attitudes, le sourire de l’interlocuteur sont importants lorsqu’il s’agit de développer ses arguments pour convaincre. Et cela, seul le présentiel l’apporte. Je pense qu’à l’avenir, une fois que l’on aura réussi à vaincre le virus, nous pratiquerons plus souvent des formules mixtes : une réunion de l’assemblée délibérante avec l’intervention en visio de personnalités extérieures, d’experts, etc… Le télétravail a lui aussi démontrer son intérêt et ses limites. D’ailleurs ceux qui le réclamaient à corps et à cris lors du premier confinement étaient parfois moins enthousiastes en novembre. Là aussi un mix entre télétravail et présentiel pourrait devenir la norme. Je ne souhaite pas promouvoir un nouveau modèle de société dans lequel les rapports humains deviendraient l’exception. Le numérique doit être au service de l’homme, pas l’inverse.
C’est dire que le compte n’y est pas et qu’il sera difficile de demander à des collectivités d’investir quand elles ont des difficultés à boucler leur fonctionnement.
M.E. : On évoque beaucoup la relance, afin d’impliquer les territoires comme moteur de cette relance, est-ce suffisant dans la mesure où l’État devrait sans doute engager un nouvel acte de décentralisation ?
O.P. : Les territoires sont très sollicités pour être des acteurs de la relance. Rien que de très normal quand on sait qu’ils représentent habituellement les deux tiers de la commande publique. En 2021 et sans doute en 2022, l’État va faire un effort considérable en subventions d’investissement qu’il s’agisse de la DETR ou de la DSIL. Mais il faut prendre en compte la précarité dans laquelle se trouvent nombre de collectivités qui, après la suppression et la compensation à minima de la taxe d’habitation, ont eu avec la pandémie à faire face à des dépenses supplémentaires et bien souvent à une perte de recettes. Ce différentiel est estimé, toutes collectivités locales confondues à plus de 6 milliards d’euros en 2020. L’État qui avait dans un premier temps claironné une compensation à l’euro près, a ensuite annoncé un fond de 750 millions qui s’est réduit comme peau de chagrin à moins de 250 millions d’euros. C’est dire que le compte n’y est pas et qu’il sera difficile de demander à des collectivités d’investir quand elles ont des difficultés à boucler leur fonctionnement. Il est sûr qu’une nouvelle étape de décentralisation pourrait être bénéfique. C’est pourquoi les élus marquent leur intérêt pour la Loi 3 D (décentralisation, déconcentration, différenciation) et espèrent même un 4ème D : celui de l’indispensable décomplexification. Mais là encore, si le transfert de compétence ne se double pas du transfert des moyens budgétaires nécessaires (et constitutionnels), l’objectif ne sera pas atteint.
Avoir une communication ciblée vers des publics dont on sait par avance qu’ils trouveront sur la commune ce qui répond à leurs attentes.
M.E. : Monsieur le Maire, la Ville de Merville-Franceville-Plage vient de rejoindre, en tant que membre la Mission Ecoter, forte de ses 25 ans d’expérience en termes de nouvelles technologies, qu’en attendez-vous ?
O.P. : Il est évident que le numérique et la data sont appelés à prendre de plus en plus de place dans nos stratégies, notamment en matière de tourisme. La Data nous permet déjà de savoir qui vient sur la commune, tranche d’âge, provenance, composition familiale, profession. Cela doit permettre désormais de ne plus communiquer à tous vents mais de faire du marketing affinitaire. Avoir une communication ciblée vers des publics dont on sait par avance qu’ils trouveront sur la commune ce qui répond à leurs attentes. En outre, le numérique nous permet de revisiter des produits basiques comme les chemins de randonnées : itinéraires GPS, circuits thématiques multiples, producteurs locaux, artisans, petit patrimoine bâti, le territoire connecté profite à tous.
A Franceville, petite station balnéaire de 2.200 habitants, nous n’en sommes qu’aux balbutiements de cette révolution qui change tout. Notre adhésion à la Mission Ecoter doit nous permettre de brûler des étapes et de prendre de l’avance sur l’avenir.