Jacqueline GOURAULT, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales : « Avec les nouveaux Contrats de relance et de transition écologique, nous disposons d’un nouveau cadre de travail commun à tous les ministères, pour accompagner les collectivités dans leur stratégie de transformation numérique. »
Mission Ecoter : Madame la Ministre, le 25 janvier dernier, vous étiez à Baule dans le Loiret avec Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, afin d’annoncer l’ouverture des guichets France Relance destinés à la transformation numérique des collectivités locales. 250 millions d’euros sont mobilisés dans le cadre de France Relance pour développer différentes actions. En pleine crise sanitaire, économique et sociale, comment avez-vous construit ce Plan de relance au service du numérique ?
Jacqueline GOURAULT : Le numérique est devenu primordial pour l’ensemble des Français, encore plus avec la crise du COVID-19 et le plan de relance est pour nous une occasion inédite d’accélérer son déploiement, pour faire en sorte que partout en France, chacun ait accès à une connexion à très haut débit et à tous les usages que permet le numérique. Dans ce déploiement, les collectivités territoriales sont bien entendu, en première ligne de ce défi qui concerne tous les territoires.
Notre déplacement avec Amélie de Montchalin était d’abord centré autour de la transformation numérique des collectivités. Le Gouvernement a ainsi mobilisé dans le cadre de France relance une enveloppe de 88 millions pour les accompagner dans la définition et réalisation de leurs projets de transformation numérique.
Ces crédits visent à favoriser le développement de services publics numériques locaux qui soient à la fois inclusifs et responsables. Il s’agit aussi de renforcer les collaborations entre l’Etat et les collectivités territoriales en matière de numérique, à favoriser la mutualisation des énergies et des initiatives et à soutenir la montée en compétence numérique des acteurs locaux. Avec les nouveaux Contrats de relance et de transition écologique, nous disposons d’un nouveau cadre de travail commun à tous les ministères, pour accompagner les collectivités dans leur stratégie de transformation numérique.
Le deuxième volet est celui du déploiement de la fibre dans les territoires. Cet engagement, pris dès le début du quinquennat, s’est traduit par un investissement très fort du Gouvernement et par des résultats qui sont spectaculaires. Aujourd’hui, la France est le pays d’Europe qui déploie le plus massivement la fibre. Plusieurs départements se déclarent aujourd’hui 100% fibrés. En parallèle, le New Deal Mobile a rendu possible le déploiement massif de la 4G. A chaque fois qu’un pylône est installé, ce sont autant de zones blanches en moins et d’habitants qui ont enfin accès à un réseau mobile de qualité.
Grâce au plan de relance, le Gouvernement amplifie encore son effort en faveur du développement de la fibre sur tout le territoire et permet de soutenir davantage les collectivités locales qui en ont besoin. D’ores et déjà ce sont 12 territoires qui n’avaient pas encore pu viser la généralisation de la fibre qui se voient allouer plus de 420 millions d’euros. De la Bretagne à Mayotte, de la Dordogne à l’Auvergne, le cap est fixé : en 2025 la France doit être 100% fibrée.
Enfin, le plan de relance permet aussi de changer d’échelle sur l’inclusion numérique. Il s’agit de de mieux former et accompagner tous ceux qui se déclarent mal à l’aise avec le numérique. 4 000 conseillers numériques France Services vont ainsi être recrutés, formés et financés par l’État pour développer partout en France des ateliers d’initiation et de perfectionnement sur le terrain. Ces conseillers assureront des permanences, organiseront des ateliers, proposeront des formations afin de permettre à chacun, près de chez soi, de s’approprier progressivement les usages numériques du quotidien. Dès cet été, 1 000 premiers Conseillers seront opérationnels sur le terrain.
En complément de cette initiative, Cédric O a annoncé un investissement à hauteur de 10 millions d’euros pour les « aidants numériques », qui répondent quotidiennement aux questions des Français sans être forcément des spécialistes du numérique : agents de guichet de service public, secrétaires de mairie, travailleurs sociaux…
A l’heure des défis majeurs que notre pays doit affronter et des transformations considérables que tous les territoires connaissent sur le plan démographique, écologique, économique ou numérique, nous devons en effet faire évoluer la nature de nos relations avec les collectivités, dans une pratique renouvelée de la décentralisation et de la déconcentration, en reconnaissant davantage la diversité des situations territoriales et en recherchant à chaque fois que cela est possible à simplifier les choses.
M.E. : En novembre dernier et dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) 2021, vous avez été auditionnée par la Commission des lois du Sénat, au cours de cette échange vous avez déclaré que « les territoires vont jouer un rôle majeur dans le plan de relance » alors que les sénateurs semblaient inquiets de l’évolution de la fiscalité locale, avec des dotations de l’État qui prennent le dessus, ce qui « réduit la part d’autonomie des collectivités ». Faut-il finalement, et une bonne fois pour toute, repenser la relation État/Collectivités ?
J.G. : Je comprends bien entendu les inquiétudes face aux changements, c’est tout à fait normal d’en avoir en particulier sur des questions complexes de fiscalité et de finances locales.
J’aimerais cependant rappeler quelques réalités très simples : la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales est un engagement pris par le Président de la République devant les Français lors de l’élection présidentielle. C’est d’abord une mesure en faveur du pouvoir d’achat, et je crois que personne n’en conteste ni le bien-fondé ni l’opportunité. Les communes sont compensées et elles le sont avec de la taxe foncière, ce qui signifie qu’elles ne perdent pas de levier fiscal : leur budget restera composé dans les mêmes proportions de fiscalité et de dotations. Les départements, qui perdent la taxe foncière au profit des communes reçoivent de la TVA : là aussi, c’est un impôt, avec de la dynamique, et pas une dotation figée.
La relation État/collectivités ne se limite pas, même si ces questions sont essentielles, à des questions transferts de crédits, de compensations et de partage de compétence. A l’heure des défis majeurs que notre pays doit affronter et des transformations considérables que tous les territoires connaissent sur le plan démographique, écologique, économique ou numérique, nous devons en effet faire évoluer la nature de nos relations avec les collectivités, dans une pratique renouvelée de la décentralisation et de la déconcentration, en reconnaissant davantage la diversité des situations territoriales et en recherchant à chaque fois que cela est possible à simplifier les choses. C’est le sens du projet de loi 4D que j’ai élaboré en lien avec toutes les associations de collectivités et tous les ministères et qui sera bientôt présenté au Parlement. C’est aussi le sens de la démarche des CRTE dont j’ai déjà parlé. Les 830 périmètres de projet qui ont été définis par les préfets en lien avec les élus locaux couvrent tout le territoire national et ils vont permettre d’accompagner dans les 5 prochains années les élus dans la diversité de leurs projets, en mobilisant les moyens des différents ministères et opérateurs de l’État. C’est en quelque sorte le versant pratique et concret de la différenciation.
Propos recueillis par Alain Melka et Quentin Meullemiestre