Le « consommer local » a besoin du e-commerce
Comment adapter le commerce aux nouveaux modes de consommation ? Comment préserver et développer le commerce dans les territoires ? Ce sont deux défis du commerce de demain. Ce sont deux des questions auxquelles doivent répondre les Assises du Commerce, lancées par Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance et Alain Griset, Ministre délégué chargé des Petites et Moyennes Entreprises, auquel a succédé Jean-Baptiste Lemoyne. J’ai eu l’honneur d’y co-présider un atelier dédié à la reconquête du commerce dans les territoires, aux côtés de Laurence PAGANINI, Présidente de Procos et Kaporal et de Denis FAVIER, antiquaire. La mission est à la fois passionnante et ambitieuse. Car repenser de manière globale la question du commerce, pilier de notre vie en société, est indispensable pour que, partout en France, nos commerces soient vecteurs de développement, d’emploi et de formation, et s’adaptent aux nouveaux usages.
C’est un fait, nos modes de consommation ont considérablement évolué, notamment depuis la démocratisation d’internet et la facilité de son usage. Deux grandes tendances se dégagent aujourd’hui. D’une part, le e-commerce est devenu un canal d’achat prépondérant pour les consommateurs. D’autre part, un nombre croissant de nos compatriotes est attentif au choix et à l’origine des produits, aux circuits courts, au Made in France. C’est-à-dire au « consommer local » au sens large, qui se trouve aujourd’hui associé à l’écologie, à la qualité, à la transparence. Ces deux évolutions étaient à l’œuvre bien avant les confinements ; la crise sanitaire n’a fait qu’exacerber la priorité environnementale et accélérer le recours à internet pour consommer, déjà bien ancré dans les usages.
Lors de la consultation lancée par Emmanuelle Wargon, Ministre déléguée chargée du Logement, dans le cadre de la démarche Habiter la France de demain, un tiers des répondants a confirmé le changement de son mode de consommation vers des produits plus locaux et de proximité. Plus des deux tiers souhaitent changer pour plus de qualité, de local.
Il ne faut pas pour autant avoir une vision moralisatrice, voire manichéenne, du commerce en opposant le e-commerce et le localisme. La situation est plus complexe que cela pour les citoyens-consommateurs que nous sommes : le citoyen veut s’engager pour le commerce local, le consommateur veut aller au plus vite et au plus efficace, il est donc tenté par l’achat en ligne… Rappelons également que le e-commerce a aussi progressé parce que les commerces locaux se sont mis à vendre en ligne.
A l’ère de la connectivité, l’enjeu n’est donc pas tant de bâtir des remparts contre la consommation en ligne – ce qui serait vain – mais plutôt de conforter un patriotisme économique local afin que nos commerçants, nos artisans, nos producteurs locaux puissent poursuivre leurs activités et que les habitants de nos territoires puissent consommer, près de chez eux, des produits de qualité et respectueux de l’environnement.
L’avenir est sans doute à la campagne et dans les villes médianes – proposition que je défends depuis quelques années parce que l’idée d’une autre vie s’impose petit à petit – et dans la pérennisation d’une consommation hybride, à la fois dématérialisée et dans les commerces physiques de proximité.
La question est donc posée : comment concilier proximité et e-commerce? C’est-à-dire comment concilier engagement et pratique ?
D’abord, en incitant encore plus à la digitalisation des commerces de proximité (cela peut-être le rôle des managers de commerces, ou de nouveaux métiers, ou tout simplement des élus locaux en charge de l’attractivité, de l’économie, des commerces…), en expliquant la nécessité pour un commerçant ou un producteur local d’être présent en ligne et sur les réseaux sociaux. Le digital est aujourd’hui une ressource essentielle pour nombre de nos entrepreneurs de proximité qui ont dû s’adapter aux conséquences de la crise sanitaire pour maintenir leurs activités sans perdre le lien social avec leur clientèle. La digitalisation est également un moyen de fidéliser les clients et d’en attirer de nouveaux dans les commerces physiques (d’autant plus que, pour beaucoup de consommateurs, le e-commerce permet de séparer les achats « corvée », réalisés en ligne, des achats « plaisir » en boutique).
Ensuite, la stratégie de digitalisation doit être tournée vers la fameuse « expérience client », pour nouer une e-relation avec les e-clients, et acquérir une connaissance fine de leurs besoins et envies, en misant sur la facilité, la clarté, la personnalisation, la réactivité et, bien sûr, l’information la plus transparente possible sur les produits.
Enfin, en créant, sur tous les territoires, des plateformes digitales d’offres et de promotion qui répondront également à la forte demande de traçabilité et de confiance. Ces solutions pourraient être mises en place par l’Etat ou les collectivités locales.
Habiter la France de demain, c’est avant tout offrir une expérience de vie, c’est donc aussi pouvoir consommer local partout, tout le temps, rapidement, facilement : c’est le « cahier des charges » du localisme en ligne…
Allier e-commerce et proximité est indispensable. Il est urgent d’organiser leur complémentarité tout en maîtrisant leur interactivité.
Pour faire du consommer local un acte citoyen et un véritable mode de vie, un réflexe.
Au-delà du dialogue périphérie et centre-ville, grande distribution et petit commerce, en intégrant la dimension e-commerce qui concerne chaque acteur, quelle que soit sa taille, les Assises du Commerce, à l’initiative du Président de la République, Emmanuel Macron, vont apporter de nouvelles propositions et solutions, à court terme comme sur la durée. Et cela aussi, c’est innovant !
Denis THURIOT
Président de Nevers Agglomération
Maire de Nevers
Conseiller régional de Bourgogne Franche-Comté