Pour une reprise en mains de la production et de la tarification de l’électricité afin de protéger la compétitivité de nos entreprises et le pouvoir d’achat des ménages

En tant que maire de Gravelines (Nord), commune accueillant la plus grande centrale nucléaire de notre pays et de nombreuses industries qui dépendent de sa production, je suis particulièrement concerné et sensibilisé par la hausse vertigineuse des prix de l’électricité.

Cette hausse des cours sur les marchés de l’électricité frappe en effet de plein fouet nos industries : je reçois des représentants d’entreprises qui ne peuvent plus faire face, non seulement à leurs investissements, mais à leurs frais de fonctionnement, obligés de réduire leur production à l’image d’Aluminium Dunkerque, en mettant en péril de nombreux savoir- faire indispensables à l’indépendance stratégique du pays. Nombre d’industries sont

« électro intensives » : une hausse du prix de cette matière première peut durablement impacter leur modèle économique. Il y a un lien indéfectible entre la production d’énergie et la réindustrialisation du pays.

Nous devons donc défendre nos emplois et notre savoir-faire industriel !

En tant que Président d’un syndicat intercommunal gérant la prévention des inondations dans le polder du dunkerquois grâce notamment à un système de pompes, je peux aussi témoigner des difficultés que rencontrent et vont rencontrer à l’avenir nos collectivités pour payer leurs factures.

Pour le syndicat des wateringues que je préside, regroupement de 6 Intercommunalités du delta de l’Aa et à notre plus grand désarroi, nous serons contraints si rien n’est fait, d’augmenter la fiscalité locale (Gemapi) pour faire face à la hausse du prix de l’électricité estimée à ce jour à plus 600.000 euros pour 2022, alors que nous avions prévu d’investir pour mieux protéger encore les 450.000 habitants de potentielles inondations.

Les ménages, tout comme les entreprises, ne sont donc pas épargnées par les hausses du prix de l’électricité : les habitants souffrent en effet de l’augmentation de la fiscalité et des taxes indirectes, de la très forte inflation et peut-être de la perte de leur emploi si nous nous entêtons à maintenir le système actuel de tarification de l’électricité.

Nous nous sommes mis dans cette situation délibérément, nous pouvons donc aisément la résoudre !

Comment en est-on arrivé là, à espérer que les prix redescendent alors qu’auparavant nous contrôlions les tarifs ?

Nous disposions jusqu’à peu d’une production électrique excédentaire, d’infrastructures performantes et la main sur un tarif réglementé, reflétant le coût de production réel de l’électricité et de de maintenance des infrastructures, ce qui faisait de notre électricité l’une des moins chères au monde, renforçant ainsi la compétitivité de nos entreprises et le pouvoir d’achat des ménages.

Nos factures contribuaient aussi à développer le réseau et les moyens de production, ce qui n’est presque plus le cas.

La libre concurrence a entraîné une situation ubuesque qui, en plus d’handicaper ménages et entreprises, ruine progressivement EDF. Notre fleuron national qui produit l’immense majorité de l’électricité en France, doit vendre à tarif préférentiel, voire à perte, de l’électricité pour faire vivre artificiellement des « concurrents » qui ne disposent naturellement pas des moyens pour produire en quantité et de manière stable de l’électricité, et ce, alors qu’EDF est à une période charnière où des investissements lourds l’attendent pour l’entretien des centrales nucléaires, le renouvellement des infrastructures (EPR) et le développement du renouvelable, qui incombera à l’État et donc aux contribuables.

L’électricité n’est pas un bien comme les autres, trop stratégique pour subir la volatilité des prix de marché, d’autant plus qu’elle ne peut être stockée.

Elle doit donc rester sous le contrôle de la puissance publique et de la représentation nationale : parce qu’elle est essentielle à notre vie quotidienne, parce qu’elle est indispensable pour une politique ambitieuse de réduction des gaz à effets de serre, parce que nos industries ont besoin d’un tarif stable de long terme et bas pour faire face à la compétition internationale et investir pour leur futur, sa production est donc et doit rester un service public.

Il faut donc mettre un terme à la concurrence dans ce domaine et revenir à l’ancien système du tarif réglementé et de la fourniture d’électricité par un acteur unique, en application de l’article 9 du préambule de la constitution de 1946 :

« Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

La pandémie a mis en exergue notre besoin d’indépendance stratégique et la nécessité de la réindustrialisation. Est-ce donc bien raisonnable de s’obstiner à maintenir artificiellement, aux frais des contribuables et de notre fleuron EDF, une concurrence qui n’est structurellement pas opérante pour la production d’électricité ?

Sortons de l’idéologie et revenons au pragmatisme : tout comme il est préférable de laisser l’initiative privée gérer de nombreux secteurs d’activité, reconnaissons que la puissance publique est la seule à même de produire, distribuer et revendre de l’électricité. Nous devons reprendre la main sur ce secteur stratégique !

Pour la sécurisation des approvisionnements à un tarif raisonnable, Monsieur le Président de la République, vous avez aujourd’hui la possibilité de mettre ce sujet à l’agenda du Conseil de l’Union européenne puisque vous êtes à la tête de cette instance pour les 6 prochains mois !

Actons l’échec de la mise en concurrence décidée au niveau européen et mettons en route le projet d’un service public européen de la production d’électricité.

Si cette situation persiste, c’est non seulement nos emplois, les savoirs-faire et la stabilité des prix qui sont menacés, mais aussi la crédibilité auprès de nos concitoyens du beau projet qu’est l’Union européenne !

Bertrand RINGOT

Maire de Gravelines

Vice-Président de la Communauté Urbaine de Dunkerque

Conseiller départemental du Nord

Président délégué Mission Ecoter-France et Territoires Numériques