Le droit à la différenciation et à l’expérimentation est vital pour nos villes médianes
Nos villes médianes, interfaces essentielles entre métropoles et territoires ruraux, sont attendues en mode projets sur des thématiques qui représentent les grands enjeux qu’elles doivent relever pour se développer, redevenir attractives, sortir de la déprise démographique : dérèglement climatique, innovation, numérique, rétraction des services et commerces, mobilités, habitat… L’Etat doit les aider à « passer la démultipliée ». Il faut reconnaître que l’Etat, jusque là trop centralisateur, a offert aux villes médianes des opportunités sans précédent de cofinancement des projets, notamment au travers des plans Action Cœur de Ville et France Relance. L’Etat doit effectivement laisser les maires des villes médianes penser et mettre en œuvre leur stratégie. La crise sanitaire a, en outre, révélé la force que représente le couple Maire-Préfet en termes de proximité et d’efficacité pour nos concitoyens. Ce « glissement » d’un Etat interventionniste, très jacobin, vers un Etat stratège plus à l’écoute, moins dans le contrôle et plus dans le lâcher-prise, doit se poursuivre.
Maire d’une ville médiane, et Président de son agglomération, depuis 2014, j’adhère évidemment aux quatre grandes priorités inscrites dans la loi 3DS : différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification. C’est une histoire de bon sens et de confiance. Les maires des villes médianes connaissent les spécificités, les besoins et les enjeux de leurs territoires. Ils doivent pouvoir mettre en œuvre des projets de reconquête et de redynamisation, et l’Etat doit leur accorder plus de confiance et donc plus d’autonomie et de « droit à l’expérimentation ». C’est la seule manière d’avancer et de renforcer le maillage des villes médianes qui doit contribuer à la relance générale de la France, à sa réindustrialisation, à sa re-commercialisation et à sa croissance économique. Les villes médianes ont aussi un rôle à jouer dans le rééquilibrage démographique de notre pays et des perspectives à proposer aux Français pour « réhabiter » la France et pouvoir travailler là où ils veulent vivre.
L’Etat doit donner de la liberté aux villes médianes, à taille humaine, dans le respect des principes d’égalité pour préserver la solidarité entre les territoires.
Je défends depuis des années l’idée d’expérimentation permise par une plus grande différenciation. D’une part, l’expérimentation (qui est également au cœur de l’idée d’innovation que je soutiens par ailleurs pour nos villes médianes au travers du SIIViM, le Sommet International de l’Innovation en Villes Médianes) permet d’avancer vite, d’évaluer, d’ajuster, d’améliorer et d’obtenir ainsi des résultats positifs. L’expérimentation est bel et bien un vecteur de développement territorial et de collaboration entre les acteurs locaux. Cette efficacité est attendue par nos concitoyens. Pour ces derniers, ce qui compte, ce sont les résultats et non de savoir qui a la compétence pour agir. D’autre part, l’expérimentation locale, qui contraste avec des politiques décidées à Paris et uniformisées sur tout le territoire national, renforce la démocratie tout en préservant nos territoires des conséquences de politiques publiques non adaptées aux spécificités locales. Nos territoires ont plus besoin d’un Maire qui décide en local, sous le contrôle direct de ses électeurs, que d’un technicien, aussi brillant soit-il, qui préconise, sans plus de discernement, des solutions uniques depuis Paris.
Mon discours est celui d’un élu de terrain pragmatique, à la recherche de solutions. Je ne suis pas de ceux qui souhaitent « bipolariser » la vie démocratique au travers d’un conflit qui n’a aucun sens entre l’Etat et les élus locaux. Comme l’a rappelé le Président de la République devant le Congrès des Maires, l’Etat, c’est nous tous, le Gouvernement, le Parlement, les élus locaux. Il s’agit bien d’un couple Etat-Maire qui doit accélérer le développement de nos territoires. Le droit à la différenciation est vital pour nos villes médianes. Il doit être développé pour que l’expérimentation se fasse à l’échelle la plus juste et la plus efficace pour nos concitoyens, celle de leurs bassins de vie. Cette différenciation doit trouver sa place au cœur d’une nouvelle conception de la décentralisation qui permette à la fois de conserver, partout, la cohérence de politiques nationales et d’apparaître, non plus seulement comme une organisation administrative, mais comme un projet de société.
Denis THURIOT
Président de Nevers Agglomération
Maire de Nevers
Conseiller régional de Bourgogne Franche-Comté