Désertification : la proximité comme réponse

La désertification médicale ou autre est un sujet majeur de l’organisation territoriale, de son aménagement et de son développement.

Face à l’urgence, la recherche de solutions l’emporte aujourd’hui sur le diagnostic nécessaire à la compréhension de ce phénomène, entre autres, de la difficulté grandissante à l’accès aux soins. Le médical n’est pas isolé sur nos territoires ruraux car non seulement le médecin et/ ou le personnel de santé mais aussi, le boulanger, le boucher, l’épicier, le coiffeur, auxquels nous ajouterons l’école, la crèche, le centre de loisirs, autant de services qui s’éloignent de nos lieux d’habitation…Tous les services de proximité connaissent la même « désertification » et entraîne un déplacement des populations.

C’est donc bien de proximité dont il s’agit : Une proximité sacrifiée par le logiciel « urbain » de la centralité.

Aux motifs de rationalité, souvent sous prétexte de qualité (« la petite unité n’a pas la panoplie des performances ») et par une volonté de concentrer les moyens, la désertification se met en marche.

On en voit les conséquences avec les problèmes de mobilité conjugués aux mesures environnementales, mais aussi l’occupation de l’espace par le phénomène de métropolisation, dont la cour des comptes dans son rapport de 2020 affirme que les métropoles ne remplissent pas leurs missions.

Le diktat de la centralité appauvrit le territoire et crée la désertification.

Dans chacun des domaines de l’activité humaine qui subit cette démarche de désertification, le médical n’échappe pas à la règle et la proximité reste une des réponses aux problèmes de santé pour répondre à cette désertification.

Ce sacrifice de la proximité trouve son aboutissement dans toutes les formes de réponses accélérées apportées depuis un demi-siècle : les moyennes et grandes surfaces et la mort du commerce de proximité, le CHU ou CHRU et la mort des hôpitaux de proximité, les maisons de santé pluridisciplinaire et la mort des généralistes de proximité, mais aussi la fermeture des pharmacies… Les zéniths, les stades gigantesques, les autoroutes, les TGV…bref un changement total de dimension, sous-tendu et amplifié par un autre phénomène : Internet.

Existe-t-il une piste pour enrayer le phénomène et retrouver le sens d’un fonctionnement à « taille humaine » ? La réponse est oui et elle passe par la proximité.

D’abord, il faut le constater, la notion de désertification était jusqu’à présent plutôt attaché à l’espace rural, peu dense et longtemps ignoré, pour ne pas dire méprisé par les politiques d’aménagement et de développement. Les lois sur la notion de projet de territoire et la planification qui en découlent ne sont toujours pas en application, pire, elles ne sont toujours pas perçues par les acteurs du territoire.

Pour cela deux raisons :

  1. La commune reste la base territoriale fondamentale de la République, mais 89% d’entre elles sont écartées de la péréquation nationale des aides de l’état (quand un rural reçoit 1 €, un urbain en reçoit 2). Pourtant nous progressons car depuis 2020, enfin, la ruralité a une véritable définition…mais attention la centralité revient au galop qui vise le rural « sous influence » et le rural « hors influence »… de l’urbain.
  2. L’évaluation n’est pas intégrée dans la démarche française de l’aménagement et du développement du territoire. Sur ce point, les politiques, comme la haute fonction d’Etat, écartent, parfois malicieusement, cette dimension du projet. Et par conséquent, la notion même de projet est mise à l’écart. Le plus bel exemple a été le collège unique de 1979…

La commune doit donc impérativement être remise au centre du territoire et de la prospective. Aujourd’hui, les EPCI et les régions étouffent l’initiative communale et conduisent une très grande partie de

la population à la résignation. Les mouvements populaires de contestation et l’abstention aux élections sont deux expressions de cette résignation forcée car rien n’éclaire l’avenir pour faire place à l’optimisme. Seul le projet peut remédier à cette situation, mais le chemin va être long car il passe forcément par la modification du comportement individuel pour porter le projet collectif, et donc la proximité apparaît de plus en plus comme le « logiciel de demain ».

L’évaluation est un formidable outil de révélation, d’argumentation et de régulation. A l’ère du partage de la connaissance, grâce au réseau internet, avec l’open data, tout citoyen est en mesure d’accéder à toutes les données pour se forger une opinion. Cette évaluation doit intégrer le système éducatif pour finir par intégrer les changements de comportements au sein de la société… vaste chantier !

La commune et l’évaluation sont les deux fers de lance d’une rénovation totale de la société avec un retour à la proximité, seule réponse à la désertification, médicale ou autre car la proximité, c’est la confiance.

Alors, en matière médicale, c’est la prévention qui doit être au cœur de la démarche.

Une prévention qui doit s’appuyer, bien entendu sur une évaluation, dont la partie la plus importante est le diagnostic et le programme d’actions qui vise à atteindre les objectifs fixés.

C’est le choix de cette stratégie que la commune de PORTS-sur-Vienne a fait depuis 2014.

L’activité physique demeure garante d’une santé maintenue et pour y satisfaire, la commune avec l’association des aînés organise 3 fois par semaine une activité, soit de marche en groupe, soit de séances de sport adapté sous l’animation d’un personnel professionnel. Une trentaine de participants contribuent à ces activités qui ajoutent bien sûr de la convivialité, de l’échange et de l’entraide. Un médecin généraliste et une infirmière sont associés à la démarche et pendant les périodes de confinement, des ordonnances de pratique du sport santé ont été délivrées pour permettre la poursuite des activités.

Ce type de démarche porte également le programme de réalisation de logement d’accueil temporaire de personnes âgées pour contribuer au maintien à domicile en renforcement l’offre du parcours résidentiel de ce public particulier.

Cette démarche intègre également le programme « d’écobourg » qui est une extension à tout le village de 2 programmes d’écoquartier en associant toute la population sur trois compléments aux écoquartiers :

  • Un espace de permaculture pour partager la production de produits alimentaire en circuit « très court »,
  • Une plateforme de voiture électrique en autopartage pour satisfaire à des besoins ponctuels de mobilité,
  • La création d’un dispositif de Transport d’utilité Sociale qui permet une organisation encadrée et indemnisée de la solidarité des déplacements.

Cette démarche a également porté la réhabilitation d’un bar-hôtel-restaurant, aujourd’hui dépôt de pain, de produits locaux de première nécessité, de dépôt de journaux…

Cette démarche enfin porte la valorisation du territoire à travers son programme de communication touristique et notamment ses circuits de randonnées accompagnés d’une application gratuite de réalité augmentée qui transforme l’espace naturel en un milieu de découverte documenté et commenté.

Le choix d’une stratégie du bien être par des réponses de proximité redonne du sens au territoire et contribue à favoriser le maintien de la qualité de la santé des habitants…sûrement une des pistes de la lutte contre la désertification car cette dynamique est porteuse de participation et nous avons ainsi créé les conditions d’un retour d’un généraliste sur la commune…l’installation a failli se faire.

Daniel POUJAUD

Maire de PORTS-sur-Vienne

Mission Ecoter-France et Territoires Numériques vous propose une visioconférence

mardi 24 mai 2022 à 14h15 :

“Désertification médicale, quelles solutions innovantes pour nos territoires ?

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