Des « flying doctors » volent au secours des patients dans la Nièvre

Dans la Nièvre, comme dans beaucoup trop de territoires, nos concitoyens subissent la pénurie de soignants. Les élus locaux sont en première ligne et doivent faire face à la colère, à l’impatience, à l’angoisse légitime de celles et ceux qui attendent des consultations, des soins, des interventions chirurgicales. Cette situation est intolérable et nous avons le devoir d’agir, y compris en prenant des initiatives locales comme l’a suggéré le Président de la République Emmanuel Macron.

Il n’y a pas de solution miracle unique. Je me méfie certes des y’a qu’à, faut qu’on, mais plus encore des serviteurs du fatalisme et de l’immobilisme… Notre système de Santé doit se nourrir d’idées nouvelles et d’actions inédites. En matière de Santé Publique comme en matière de médecine, il ne faut jamais attendre que les choses empirent et conduisent à des drames. Il n’y aurait rien de pire que l’attentisme face à l’urgence. En matière d’accès aux médecins et aux soins, tout n’a pas été fait. Il ne sera pas possible de sortir de cette situation hors-norme et aberrante que représente la pénurie médicale, qui obère l’avenir, avec les idées convenues et arrêtées d’hier. Une mutation profonde est nécessaire.

A situation d’urgence, solutions d’urgence, pragmatiques et adaptées au territoire. La santé des Nivernais et, bien au-delà, celle de tous les patients que nous accueillons dans notre Centre Hospitalier et dans nos établissements du Groupement Hospitalier de Territoire, est une priorité. J’ai donc lancé l’idée des « flying doctors » : une liaison aérienne entre Dijon, la capitale régionale, et Nevers pour acheminer des soignants à l’hôpital en manque de personnels, en attendant d’en recruter de nouveaux. Pourquoi en arriver à une telle proposition somme toute surprenante ? Parce que pour palier l’insuffisance de praticiens, l’hôpital de Nevers n’a pas d’autre choix que de payer des médecins intérimaires dont les rémunérations sont parfois excessivement élevées quand ces renforts ne sont pas conventionnés. Et que des médecins du CHU de Dijon renoncent à venir renforcer les équipes de Nevers parce qu’ils jugent les temps de trajet entre Dijon et Nevers trop longs et peu agréables. L’avion garantit un aller-et-retour en deux fois trente-cinq minutes contre cinq ou six heures en train ou en voiture. C’est un compromis qui respecte le nécessaire équilibre entre vie professionnelle et vie familiale.

Le budget à consacrer pour ce pont aérien représente environ un tiers de celui déjà consacré au recrutement de médecins intérimaires. L’idée a donc du (bon) sens. Et, je l’assume, l’argument de la Santé prime sur l’argument écologique anti-avion car il y a urgence et que l’inégalité d’accès aux soins réduit l’espérance de vie d’un nombre croissant de patients. Je défends la planète et toutes celles et ceux qui vivent dessus et qui veulent y vivre le plus longtemps possible. Pour les « flying doctors », nous avons conclu un partenariat avec le Groupe Edeis, gestionnaire, entre autres, de seize aéroports dont Dole et Dijon, et la compagnie Fly 7 qui dispose de la flotte la plus verte d’Europe dans le domaine de l’aviation privée grâce à sa très faible consommation de carburant, avec un taux d’émission bien inférieur que tout autre avion privé… Il faut rappeler que le Centre Hospitalier de l’Agglomération de Nevers est le plus éloigné d’un CHU en France.

Cet avion des « flying doctors » a atterri le 26 janvier dernier à Nevers, avec à son bord huit médecins désireux de renforcer les équipes dans différentes spécialités : cardiologie, chirurgie thoracique et cardio-vasculaire, gynécologie, médecine générale, médecine nucléaire, orthopédie, pneumologie.

Il s’agit donc d’une première en France. Pour le moment, une rotation par semaine est prévue. La fréquence des vols pourra évoluer en fonction des besoins et du planning des médecins intervenants, d’autant plus avec la fermeture complète de la ligne ferroviaire Nevers-Dijon pour au moins sept mois en raison de la rénovation des voies.

Ce n’est pas LA solution aux pénuries médicales mais une solution, une action locale et pragmatique pour sortir de l’inertie. Il s’agit aussi de la démonstration que rien n’est inéluctable, que des solutions peuvent être mises en œuvre si la volonté est là. Face à l’urgence, face aux enjeux qui sont vitaux dans nos territoires en manque de soignants, seule l’action compte. Nous ne pouvions pas nous contenter de débats d’idées et de mots. Ce premier vol est la démonstration de ce qu’il est possible de faire en fédérant les énergies des élus locaux, des services de l’Etat, des collectivités, du Centre Georges-François Leclerc de Dijon et du Centre Hospitalier de Nevers Agglomération, et en capitalisant sur le dévouement et l’éthique des soignants.

Denis THURIOT

Président de Nevers Agglomération

Maire de Nevers

Conseiller régional de Bourgogne Franche-Comté