Pénurie médicale, les nouvelles technologies sont-elles la panacée pour nos territoires ?
Le constat est sans appel, la lutte contre la pénurie médicale s’organise et est devenue un sujet majeur pour les collectivités territoriales alors que près de 12 % des Français vivent aujourd’hui dans « un désert médical », soit environ 7 millions de personnes.
Si rien n’est fait pour inverser rapidement cette tendance, ils pourraient être 20 millions de plus d’ici à 5 ans, soit 27 millions de personnes privées d’un accès simple à un généraliste en 2027 ! Nos territoires sont confrontés quotidiennement à des questions médico-sociales, et doivent apporter des réponses aux problèmes de santé face à une demande exponentielle. Rappelons que ce phénomène de pénurie médicale affecte aussi bien les territoires ruraux que les territoires urbains.
Aujourd’hui, plusieurs solutions existent dont l’innovation et les nouvelles technologies dans le domaine de la santé. En effet, elles bouleversent la médecine traditionnelle que nous avons connue pour tendre vers une médecine de demain qui apporte des réponses concrètes aux préoccupations des acteurs de santé et des usagers. La crise du COVID a traduit ce besoin permanent d’adaptation, de réponse immédiate tant en termes de soin d’urgence que de prévention et souvent dans des territoires où l’offre de santé est insuffisante.
Ainsi, on ne peut le contester, le recours aux nouvelles technologies ne cessent de s’accroitre afin d’apporter des réponses rapides et innovantes qui touchent tous les domaines de la santé : l’innovation technologique et numérique (robotique chirurgicale, objets de santé connectés pour l’autonomie, intelligence artificielle, le bien vivre, l’information des patients, la télémédecine…) ; l’innovation organisationnelle et comportementale (nouveaux modes d’exercice et de prise en charge, parcours de soins coordonnés, dossier médical partagé, plateformes de suivi à distance, éducation thérapeutique, patient connecté, solutions de e-santé ayant un impact sur l’organisation et les comportements…).
Néanmoins, des inégalités existent entre nos concitoyens et nos territoires, il faut pouvoir garantir une équité territoriale sur l’accès aux soins de proximité. En effet, il est difficile d’accepter que des professionnels de santé s’installent dans des zones où ils sont déjà nombreux alors que dans certains territoires il devient pratiquement impossible de se faire soigner.
De nos jours, la santé est un facteur d’attractivité territoriale, ainsi les collectivités, s’impliquent de plus en plus, elles sont extrêmement préoccupées et très souvent esseulées concernant cette problématique de désertification médicale. Bien-sûr de nombreuses collectivités proposent des aides matérielles à l’installation afin d’attirer les professionnels de santé.
En exemple, la Communauté d’Agglomération de Vesoul a fait le choix, dès 2012, d’une politique ambitieuse qui vise à favoriser l’installation des médecins généralistes et spécialistes en facilitant leur arrivée sur le territoire avec une prime de 6000€ par an pendant 5 ans, versée à tout médecin exerçant a minima 50% de son temps en cabinet libéral sur le territoire communautaire et 50% de son temps au maximum dans un établissement hospitalier ou médico-social du département.
De plus, l’une des solutions peut passer par le regroupement des pratiques professionnelles pour, à la fois, proposer un environnement plus sécurisé aux nouveaux praticiens et favoriser l’offre de parcours de soins coordonnés pour une meilleure prise en charge des pathologies chroniques. C’est dans cet esprit que la Ville de Limoges soutient les initiatives privées de professionnels de santé qui souhaitent grouper leurs activités au sein de Maison de santé. Ainsi, la Ville a aidé à la création du centre médical de Beaublanc en cédant du foncier à l’opérateur immobilier pour permettre le regroupement de médecins et d’auxiliaires médicaux avec une pharmacie et un opticien.
Par ailleurs, le Maire de Nevers, Denis THURIOT a lancé une surprenante idée, celle des « flying doctors » : une liaison aérienne entre Dijon, la capitale régionale, et Nevers pour acheminer des soignants à l’hôpital en manque de personnels, en attendant d’en recruter de nouveaux. Cet avion des « flying doctors » a atterri le 26 janvier dernier à Nevers, avec à son bord huit médecins désireux de renforcer les équipes dans différentes spécialités : cardiologie, chirurgie thoracique et cardio-vasculaire, gynécologie, médecine générale, médecine nucléaire, orthopédie, pneumologie. Il s’agit d’une première en France.
Pour conclure, la téléconsultation ou télémédecine progresse en France notamment depuis la crise sanitaire, c’est une évidence, mais elle ne peut remplacer le médecin traitant. C’est vraiment une solution complémentaire que l’on peut intégrer dans les plans santé de nos territoires. Que les nouvelles technologies puissent être utilisées pour améliorer la prise en charge est un fait, mais rien ne remplacera l’expertise humaine. En effet, nous ne solutionnerons pas la problématique de la pénurie médicale qu’avec des « machines ».
La fracture médicale peut également s’allier à la fracture sociale. L’idée, est vraiment d’améliorer la coordination des prises en charge pour faire face aux défis du vieillissement ! Un sujet tout aussi important pour nos territoires. En effet, le vieillissement de la population provoquera inexorablement le nombre de pathologies chez nos concitoyens les plus âgés.
Ainsi, les défis sont majeurs, souvent politiques, avec une volonté aussi de bousculer les choses, néanmoins, le numérique n’est pas une fin en soi, c’est un moyen, un moyen et une complémentarité pour sortir de cette pénurie médicale qui est de plus en plus pressante.
Quentin Meullemiestre
Directeur Général des Services Adjoint – Mission Ecoter-France et Territoires Numériques