« Cette révolution ne sera bénéfique que si elle respecte les fondamentaux de notre contrat social et politique »
L’intelligence artificielle, dont l’irruption dans la vie quotidienne se déploie à très grande vitesse, offre des opportunités historiques d’amélioration de l’action publique dans les territoires. Après avoir relevé le défi des infrastructures, en amenant l’internet THD presque partout, nous sommes dans l’obligation de relever celui des usages. L’IA doit nous y aider.
L’IA servira d’assistance aux usagers et professionnels, elle aidera à la décision les responsables publics, elle simplifiera les démarches, libérera les agents de tâches peu valorisantes et facilitera des choix plus justes… elle est, déjà, informellement le plus souvent, utilisée à tous les niveaux de l’action publique.
Cependant, cette révolution ne sera bénéfique que si elle respecte les fondamentaux de notre contrat social et politique. Si l’IA n’a pas été conçue spécifiquement dans une logique d’intérêt général, c’est bien dans cette logique que nous devons la penser.
Les enjeux sont considérables et je défends l’idée d’une IA responsable, non seulement en matière environnementale et énergétique mais aussi du point de vue politique et social : les principes et valeurs qui régissent la vie « physique » doivent être respectés dans l’univers numérique. L’IA ne doit pas menacer nos démocraties…
Il convient donc de réaffirmer la place première de l’humain dans la relation à l’IA. Cela suppose de renforcer la prise de conscience politique des opportunités et des risques. Pour y parvenir, un effort massif de sensibilisation, de formation et de développement des compétences doit être engagé. Des programmes adaptés à tous doivent être développés et financés. Dans un monde en mutation accélérée, la montée en compétences est la clé pour que l’IA serve l’humain, et non l’inverse. Préparer agents, élus et citoyens à ces mutations est une priorité absolue.
Il faut, parallèlement, défendre une IA souveraine nourrie de données de qualité et dont la sécurité est garantie. La question de la qualité des données est centrale… nous ne pouvons pas nous satisfaire d’IA nourries de données essentiellement non francophone et non européennes… sans parler des équipements. Ensuite la question de la cybersécurité doit être considérée avec le plus grand sérieux et l’ANSSI ne doit pas abandonner les territoires comme elle semble sur le point de le faire en cessant de financer les CSIRT…
L’impact environnemental doit être mesuré sans tabou et sans a priori. Si le développement de l’IA est inéluctable il doit se concevoir dans une logique de sobriété, par exemple en privilégiant des algorithmes et des modèles de langage moins énergivore et en servant les objectifs de développement durable.
Au-delà des aspects technologiques, l’adoption d’une charte éthique de l’IA serait utile, sans être suffisante. Elle pourrait mettre l’accent sur des droits et devoirs de l’IA, les pratiques vertueuses, l’équité dans les décisions automatisées, les communs et la transparence des algorithmes. Le développement de labels garantissant des standards environnementaux et sociaux renforcerait la confiance dans ces technologies.
Enfin, le défi de l’IA dans les territoires ne sera convenablement relevé que si personne n’est oublié. Il ne doit pas y avoir d’un côté les collectivités qui ont les moyens humain et financier de s’emparer du sujet et de l’autre, dans les territoires ruraux essentiellement, celles qui seraient dans l’incapacité de le faire. Pour n’oublier personne il n’y a que deux solutions. Soit l’état crée un grand service public universel de l’IA, soit, plus modestement, les collectivités locales s’unissent et mutualisent, à l’échelle régionale, leurs moyens. C’est ce choix de mutualisation et de solidarité numérique territoriale qu’a fait la région Bourgogne Franche Comté avec l’Agence Régionale du Numérique et de l’Intelligence artificielle.
Patrick MOLINOZ, Vice-président en charge des transitions numériques, de l’innovation, des politiques européennes, des actions internationales et de l’export – Région Bourgogne-Franche-Comté.