« Les collectivités territoriales doivent gérer cette transition de manière proactive. »
Le Sommet de l’intelligence artificielle de Paris a positionné, dans l’actualité politique et médiatique, l’intelligence artificielle (IA) comme un enjeu géopolitique, stratégique et de souveraineté. Toutefois, l’IA n’est pas seulement un enjeu mondial. Ces applications dans notre vie quotidienne sont nombreuses (reconnaissance faciale pour déverrouiller notre téléphone, aide au stationnement, imagerie médicale…) et n’ont rien d’artificielles.
L’IA se déploie rapidement dans les entreprises (83 % d’entre-elles font de l’IA une priorité absolue dans leurs stratégies commerciales), au sein de la population française (33 % a utilisé au moins une fois un modèle d’IAG en 2024) et dans les institutions publiques (38% utilisent l’IA pour accroître l’efficacité des services publics locaux).
Face à cette (r)évolution technologique, les collectivités territoriales, parce qu’elles sont au cœur des défis de notre société, sont de plus en plus nombreuses à se saisir de l’IA pour ne pas subir son déploiement. 51% d’entre elles ont engagé ou prévoient d’engager dans les prochains mois un projet IA, elles étaient 21% en 2022.
Face à ce constat : comment s’approprier l’IA ? Comment l’introduire dans nos missions quotidiennes ? Comment la maîtriser pour ne pas perdre la main, y compris d’un point de vue du dialogue social ?
Donner un sens public à l’intelligence artificielle
L’IA modifie déjà les pratiques professionnelles de nos agents, puisque 30% d’entre eux utilisent l’IA, souvent sans le savoir. Cette mutation rapide et profonde des métiers territoriaux nécessite donc un accompagnement et une formation des agents publics, puisque 15 à 20% d’entre eux verront leurs missions profondément transformées par l’IA. En tant qu’employeur public, nous devons lier l’utilisation de l’IA, par nos agents et dans nos services, à des valeurs d’éthique et de responsabilité.
Dans le même temps, l’analyse des données publiques devient un outil précieux pour comprendre les dynamiques territoriales. Nous avons, à ce titre, créé une Plateforme Numérique Collaborative, en lien avec l’Agence d’urbanisme de l’Artois, afin de modéliser, grâce aux données du territoire, notre planification territoriale. Cette modélisation nous aidera à définir des politiques publiques au plus près des besoins du territoire et des habitants.
Accompagner les élus dans la conduite du changement
Les collectivités territoriales doivent gérer cette transition de manière proactive. Le déploiement de l’IA dans nos services nécessite une montée en compétences des collectivités sur ce sujet.
C’est pourquoi, à travers Interconnectés, les collectivités ont souhaité prendre à bras le corps la conduite du changement sur ce sujet en incitant à l’échange de bonnes pratiques. Une « Bibliothèque d’IA territoriales » a été créée pour permettre aux élus d’accéder selon leurs besoins, à des outils IA maitrisés et utilisés dans les collectivités.
Un Manifeste national à destination des élus (1) a été produit en s’appuyant sur les Concertations territoriales déployées au niveau local par les collectivités. À Béthune nous avons organisé une concertation pour le département du Pas-de-Calais. Cette dernière a mis en évidence la nécessité de maîtriser l’IA, d’en faire un outil responsable et humain dans son fonctionnement et utile dans le quotidien de nos agents.
Maîtriser l’innovation pour ne pas la subir
L’innovation ne doit pas dicter le tempo. Les élus doivent décider comment intégrer l’IA dans leur collectivité, avec une finalité précise : pour quel métier, quel agent et quel type d’usage.
La méthode que nous avons adopté à la Communauté d’agglomération Béthune-Bruay, Artois Lys Romane (sensibiliser, informer, former, animer et mesurer) a impliqué une réflexion commune entre élus et agents pour introduire, à sa juste mesure, l’IA dans la collectivité. Un groupe de travail au sein de la Communauté d’agglomération a été instauré et des outils utilisant l’IA sont en cours d’utilisation par nos services.
Conclusion
Entre technosolutionnisme et technophobie, il existe un chemin pour ne pas s’opposer à cette nouvelle manière de déployer numériquement nos politiques publiques. Il existe un chemin pour lui donner un sens public.
Olivier GACQUERRE – Maire de Béthune. Président de la Communauté d’Agglomération Béthune-Bruay, Artois Lys Romane
1. Interconnectés, Manifeste. Faire de l’IA responsable une doctrine politique partagée, mars 2025.