“Trois défis parmi de nombreux portés par une stratégie de développement numérique
pour bâtir une société du DESIR :
DURABLE, ETHIQUE, SOLIDAIRE, INCLUSIVE et RESPONSABLE”
« Renforcer la résilience numérique des territoires est un devoir : celui de protéger nos infrastructures, mais surtout la confiance des citoyens dans leurs institutions. Sécurité et cybersécurité vont de pair : bâtir cette résilience, c’est défendre nos territoires, notre souveraineté numérique et rappeler que chacun a un rôle à jouer dans la protection collective. » Mauna TRAIKIA
En tant que Conseillère territoriale au numérique à Plaine Commune – Grand Paris et Déléguée à la Smart City et l’innovation à Épinay-sur-Seine, quels sont les principaux défis et opportunités que vous identifiez dans la mise en œuvre de stratégies “Smart City” à l’échelle d’un territoire dense comme Plaine Commune ?
Mauna TRAIKIA : Plaine Commune, un territoire d’innovations et de résilience terre d’accueil des JOP 2024, regroupe 9 villes de Seine-Saint-Denis : Aubervilliers, Épinay-sur-Seine, La Courneuve, L’Île-Saint-Denis, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine, Stains, Villetaneuse.
C’est un territoire de 450 000 habitants et plus de 140 nationalités : des terres de culture, de création et d’innovations, en constante réinvention.
Tout d’abord, le terme de Smart city est un terme trop galvaudé à celui-ci, je préfère ville futée au service des habitantes et habitants. L’intelligence étant la production de valeurs des femmes et des hommes qui sont et font les territoires : les habitantes et les habitants en premiers chefs, les acteurs du territoire et les élus.
Trois défis parmi de nombreux portés par une stratégie de développement numérique pour bâtir une société du DESIR : DURABLE, ETHIQUE, SOLIDAIRE, INCLUSIVE et RESPONSABLE
Depuis 2014, la délégation numérique que j’ai le plaisir de porter irrigue toutes les politiques publiques : innovation sociale, inclusion et transformation numérique, emploi et insertion, éducation, data gouvernance, transition écologique et économique, développement économique, cybersécurité, intelligence artificielle et sécurité…
Trois grands défis structurants
1. Inclusion numérique : faire du numérique une opportunité pour toutes et tous, en mettant les habitants au cœur, avec un accès universel à la connectivité, aux outils et à la formation. Une solution d’accompagnement personnalisé grâce à un maillage territorial inédit.
2. Numérique responsable : né en 2015 à Plaine Commune, il vise à réduire l’impact environnemental du numérique, former des populations en insertion professionnelle, développer le réemploi et une filière locale de reconditionnement, et intégrer des achats responsables numérique via la commande publique, notamment en cybersécurité et bien plus encore.
3. Cybersécurité et sécurité : éduquer, sensibiliser et former dès le plus jeune âge, car le cyberespace et la réalité ne font qu’un. La prévention, l’éthique et l’esprit critique doivent guider l’usage des technologies, surtout avec l’essor de l’IA et de la cybercriminalité.
Ma vision pour l’avenir
• Bâtir une société du désir : durable, éthique, solidaire, inclusive et responsable.
• Faire de l’innovation un levier au service des politiques publiques et de la souveraineté numérique.
• Préparer les territoires et les acteurs économiques aux mutations, notamment liées à l’intelligence artificielle et aux nouveaux modèles économiques émergents.
« L’intelligence artificielle ne remplacera ni les entreprises ni les emplois, mais elle remplacera celles qui n’auront pas formé leurs équipes à son utilisation. » Mauna TRAIKIA
Quels enjeux et opportunités pour les territoires notamment en termes d’inclusion numérique et de participation citoyenne ?
« L’enjeu et opportunité principale : Bâtir une société inclusive relève d’une volonté et d’une détermination politique pour que chacune et chacun puisse prendre part à la société sans difficulté ni obstacles et rendre nos territoires attractifs.
La voix des territoires est portée par les élus et les citoyens, le numérique est un des moyens d’accélération de la participation citoyenne. » Mauna TRAIKIA
Mauna TRAIKIA : Le numérique, s’il est pensé de manière inclusive, devient un vecteur de participation citoyenne, de cohésion sociale et de développement économique durable pour les territoires.
L’inclusion numérique est donc une priorité, je dirais même une exigence à toute réussite de stratégie de développement sociétal incluant le numérique.
La triste réalité et constat c’est que plus de 15 millions d’habitants sont éloignés du numérique : soit par la méconnaissance ou plus basiquement par le manque d ‘accès à de la connectivité ou ordinateurs ou Smartphone ou encore l’accès à des services accessibles aux personnes en situation de handicap trop peu mis en œuvre. Car même si l’accessibilité des services dématérialisés est une obligation légale c’est malheureusement loin d’être encore le cas.
Rappelons que les personnes en situation de handicap c’est 15% de la population mondiale dont 80% de handicap invisible. Changer le regard et agir pour un monde accessible cela nous regarde toutes et tous.
Revenons sur ma sélection de trois enjeux.
Le premier enjeu est de réduire la fracture numérique
Les territoires font face à un défi majeur : réduire la fracture numérique. Aujourd’hui, près d’un tiers des citoyens rencontre encore des difficultés dans l’usage du numérique, alors même que de nombreuses démarches administratives, sociales ou éducatives passent désormais par des plateformes en ligne. Le premier enjeu, c’est donc de garantir un accès équitable aux infrastructures, mais aussi d’accompagner les publics les plus éloignés — qu’il s’agisse des seniors, des personnes en situation de handicap ou encore des familles en précarité.
Le deuxième enjeu, c’est la confiance
Les collectivités doivent s’assurer que les services numériques respectent la protection des données, soient accessibles et sécurisés, afin que chaque citoyen puisse les utiliser sereinement. Les collectivités locales sont au cœur de la relation de confiance entre les citoyens et les institutions.
Mais derrière ces défis se cachent de réelles opportunités. Le numérique peut devenir un formidable levier de participation citoyenne. L’essor des consultations citoyennes, de budgets participatifs en ligne, ou encore les applications de signalement permettent d’impliquer directement les habitants dans la vie de leur territoire.
Concrètement, à Plaine Commune nous avons élaboré depuis de nombreuses années une application « Bien Vu » permettant aux citoyens de participer à la vie de l’espace publique. Une stratégie de service omnicanal accessible par téléphone, site internet et app sur mobiles car assurer l’omnicanalité des dispositifs c’est assurer l’inclusivité des citoyens.
La récolte de données de signalements nous permettra à terme d’anticiper, de développer de nouveaux services au plus près des besoins des habitants et idéalement optimiser nos investissements.
A Epinay-sur-Seine, engager l’ensemble des services dans un programme d’open innovation permettant la mise en œuvre d’un plan de transformation numérique de la collectivité a été essentiel pour que chaque agent soit impliqué et ses besoins pris en compte.
Des réalisations tels que : plan de cybersécurité, mises en conformité légale, inclusion numérique aussi bien pour les habitants que les agents, formations,…et dernièrement la refonte d’un site Web devenu véritable plateforme de services administratifs aux habitants, accessibles 24h/24 7 jour/7, en repensant les besoins par cibles sont des symboles forts de la réponse aux besoins concrets et pragmatiques des habitants et de l’ère de l’innovation numérique que nous vivons.
Cela renforce le lien entre élus, agents et citoyens, contribue à une démocratie plus vivante et assure une meilleure efficience des services publics.
Le troisième enjeu et non des moindres, c’est aussi une opportunité pour l’innovation et l’attractivité.
Les territoires qui investissent dans le numérique inclusif deviennent plus dynamiques, attirent des talents, des entreprises et créent de nouvelles filières économiques, notamment dans l’économie sociale et solidaire. En somme, si nous pensons le numérique comme un bien commun, il devient un outil de cohésion sociale, de développement durable et de citoyenneté active.
D’ailleurs en tant que Présidente de l’association les Valoristes où nous reconditionnons des ordinateurs, des smartphones afin de permettre à des familles d’acquérir à des prix défiants toute concurrence un ordinateur ou un smartphone. Nos objectifs : permettre de réduire la fracture numérique, de réduire l’empreinte environnementale du numérique et former des techniciens informatiques.
Les dons de matériels informatiques proviennent d’entreprises, de collectivités et de citoyens.
D’ailleurs si vous souhaitez agir avec nous et donner une seconde vie à vos matériels n’hésitez pas à nous contacter notamment notre directeur du Lab M. Vincent Miquel (vincent@lesvaloristes.fr).
La cybersécurité est un enjeu majeur pour les collectivités. Compte tenu de votre implication et de votre expertise sur ce sujet, quelles sont les priorités et les actions concrètes que vous mettez en œuvre pour renforcer la résilience numérique des territoires face aux menaces croissantes, et comment sensibilisez-vous les acteurs locaux à ces enjeux ?
Mauna TRAIKIA : Sécurité et cybersécurité sont étroitement liées au même titre que l’espace réel et cyberespace n’ont pas de frontières et ne font qu’un seul monde.
La stratégie adoptée lors des JOP2024 en est la preuve et a permis de couronner de succès la protection par la mobilisation et le travail collaboratif et participatif de l’ensemble des parties prenantes en mettant au cœur l’humain : collectivités locales, ANSSI, ministère de l’Intérieur …
La cybersécurité et la sécurité sont une priorité absolue pour les territoires, car les collectivités locales sont des cibles de choix pour les cyberattaques car détentrices de données les plus réelles.
Derrière chaque attaque, ce sont des services essentiels qui peuvent être paralysés : écoles, hôpitaux, administrations, voire la continuité de la vie démocratique, système électrique, système d’éclairage, système d’informations liés au services administratifs dématérialisés…
Tout service au citoyen doit être pensé résilient dès sa conception.
Nos priorités s’articulent autour de trois axes en considérant que rien n’est jamais acquis et que la peur ne fait pas fuir le danger. La nécessité absolue est d’anticiper les budgets et investissements nécessaires.
Premier axe, « Vaut mieux prévenir que guérir » adage de référence et ode à la prévention : cela passe par un diagnostic régulier des systèmes d’information, l’identification des vulnérabilités et la mise en place de protocoles de sécurité adaptés.
Second axe, la formation aux gestes barrières cyber : nous travaillons à sensibiliser les élus, les agents, les tissus économiques et les partenaires locaux, car 80 % des attaques ont pour origine la faille humaine.
Enfin, le troisième axe celui de la coopération : il est essentiel de mutualiser les moyens et de renforcer la solidarité numérique entre collectivités, en lien avec l’ANSSI, le ministère de l’intérieur et les acteurs régionaux et étatiques.
Concrètement, cela se traduit par l’élaboration des plans de résilience incluant continuité et reprise d’activités, nous mettons en place des exercices de simulation de crise, et nous œuvrons à prévoir des lignes budgétaires pour les mises en conformité avec les réglementations européennes comme le RGPD ou la directive NIS2 ainsi que des exigences fortes pour des achats responsables offres et services numériques Cyber by Design et RGPD by design.
Le dernier axe reste la sensibilisation : expliquer que la cybersécurité n’est pas seulement une affaire technique, mais un enjeu citoyen et démocratique. C’est pourquoi nous organisons des ateliers pédagogiques, des formations adaptées et des campagnes de communication, afin que chaque acteur local — élu, agent, association ou entreprise — comprenne son rôle dans la protection collective.
Dans quelques semaines aura lieu le Cybermois , et parce que nous sommes toutes et tous concernés toute l’année si vous le souhaitez vous pouvez rejoindre notre collectif via le site www.cyberbienveillance.org dont la Mission Ecoter est partenaire.
« Renforcer la résilience numérique des territoires est un devoir : celui de protéger nos infrastructures, mais surtout la confiance des citoyens dans leurs institutions. Sécurité et cybersécurité vont de pair : bâtir cette résilience, c’est défendre nos territoires, notre souveraineté numérique et rappeler que chacun a un rôle à jouer dans la protection collective. » Mauna TRAIKIA