« Il est vital que les élus locaux puissent faire entendre, dans les médias, la voix des territoires et représenter la diversité des réalités locales. »

Les élus locaux, et notamment les Maires, apparaissent comme des points d’ancrage. Car ils font vivre les politiques du quotidien dans toutes les communes de France. Pourtant, nous constatons un certain désintérêt de la presse nationale pour la chose publique et, par voie de conséquence, une absence de plus en plus frappante et inquiétante des élus locaux dans les journaux, magazines d’information et médias télévisés.

Le « dernier kilomètre de l’action publique » n’intéresse plus la presse nationale et parfois régionale (alors que les médias les plus influents se concentrent en région parisienne) et les médias audiovisuels… Et beaucoup de journaux « nationaux » ont abandonné, crise de la presse oblige, leurs liens avec les régions et leurs enjeux locaux. Une visite annuelle au Congrès des Maires ne suffit pas pour appréhender les véritables enjeux des territoires !

La politique (l’organisation de la Cité) mérite mieux que le traitement médiatique réduit aux seuls partis, aux seules élections et à la seule région-capitale. Peut-être d’ailleurs que beaucoup d’abstentionnistes se sont lassés de la politique politicienne qui tourne en boucle dans les médias… Revenir aux « fondamentaux », à ce qui fait la réalité de la France dans sa globalité, serait de nature à changer l’image de « la politique ». Il faut rapidement rendre la politique du quotidien plus visible et plus positive objectivement, et donc rétablir le relais national de l’action locale, pas seulement pour les faits divers.

Certes, jamais les médias n’ont autant parlé des maires et en des termes aussi positifs, surtout depuis la crise de la COVID et ses confinements durant lesquels les édiles ont été en première ligne, avec les Préfets (le fameux couple !), pour soutenir leurs concitoyens, organiser et faciliter au mieux leur quotidien. Mais laissons-les plutôt s’exprimer eux-mêmes ! Et plus seulement les maires des grandes villes pour que les questions ne tournent pas toutes autour de l’« urbain ». Des sujets prégnants peuvent être abordés par les élus locaux. Les journalistes s’apercevraient alors que les Français expriment aussi des inquiétudes sur la dématérialisation, l’éloignement des services publics, la désindustrialisation, ou encore la mobilité et le logement…

Il est urgent de rééquilibrer la vision de la France que les effets loupe biaisent de plus en plus, laissant dans l’ombre les problématiques de fond des territoires médians et ruraux parfois inverses de celles des métropoles (spéculation immobilière dans les grandes aires urbaines mais vacance des logements dans les petites villes).

Une « décentralisation médiatique » est nécessaire (peut-être qu’une nouvelle vague de décentralisation politique en préparation y pousserait davantage ?). Il est vital que les élus locaux puissent faire entendre, dans les médias, la voix des territoires et représenter la diversité des réalités locales. Il est envisageable de recréer du lien constructif entre élus et journalistes ; les seconds alimentant la réflexion des premiers par des enquêtes de fond, des reportages plus intéressants, remplissant ensemble leur mission démocratique et évitant l’influence immédiate de réseaux orientés davantage sur la communication événementielle que sur l’action quotidienne locale.

Les élus locaux ne vous parleront pas (que) des trous dans les chaussées de leur bourg, du petit quotidien de chacun, mais plutôt des initiatives nombreuses, souvent innovantes, qu’ils prennent dans l’exercice de leur mandat, qui améliorent la vie de leurs concitoyens et la vitalité de leur territoire, et qui pourraient nourrir la réflexion de leurs collègues. Ils donneront leur vision de la commune de demain, ils débattront de la rénovation énergétique des logements, de la transformation du commerce, de l’apport du numérique et de la robotique, du retour de la Nature en ville, de l’enjeu des mobilités… Sur presque 35.000 Maires, combien ont l’opportunité de s’exprimer à une échelle nationale sur leurs actions ?

Comme en période électorale, une « parité » entre les sujets négatifs et positifs serait aussi un bon moyen de réconcilier nos concitoyens avec l’action politique. Il en va donc de l’équilibre de notre société et de notre démocratie, plutôt que démultiplier à l’excès, et en boucle, les angoisses sans compenser avec tout ce qui va bien et évolue positivement.

Les élus locaux de la République ne sont pas des clones qui, tous, sacrifient au culte de l’opinion et des sondages, rendant le débat public sclérosé et insipide. Ils sont les maillons de la démocratie et garantissent, au quotidien, l’intérêt général car ils incarnent la motivation citoyenne. Ce n’est pas un « sacerdoce » – car ils défendent la laïcité ! – mais c’est une vocation.

Que proposent-ils ? Quelles sont leurs idées, leurs actions, pour améliorer la vie dans les territoires, la vie dans notre société ? Mesdames et Messieurs les journalistes, posez-leur la question ! Je suis sûr qu’elles ou ils vous répondront.

Denis THURIOT, Maire de Nevers, Président de Nevers Agglomération, Conseiller Régional Bourgogne-Franche-Comté et Président de la Mission Ecoter