Les mobilités de demain dans les collectivités territoriales : enjeux et perspectives
par Alain MELKA – Directeur Général des Services

Dans l’histoire contemporaine de nos territoires, rares sont les sujets qui concentrent autant d’attentes, de tensions et d’espoirs que celui des mobilités. Elles structurent la vie quotidienne, conditionnent l’accès aux services publics, façonnent le développement économique, irriguent la transition écologique et interrogent, profondément, le rôle des collectivités dans l’organisation de l’intérêt général. Parler de mobilité aujourd’hui, c’est parler d’un projet de société. Parler de mobilité dans les collectivités territoriales, c’est parler de République.

Les élus locaux se trouvent à la croisée des chemins : confrontés à la montée des exigences environnementales, aux difficultés budgétaires, à la fracture territoriale, aux injonctions réglementaires, mais aussi à l’appétit d’innovation de leurs administrés. Ils doivent orchestrer des politiques publiques de plus en plus complexes, dans un contexte où la demande de proximité, de lisibilité et de justice territoriale n’a jamais été aussi forte. Les mobilités, longtemps considérées comme une infrastructure ou un service parmi d’autres, sont devenues un symbole : celui de la capacité de la puissance publique locale à répondre concrètement aux besoins des habitants.

Derrière ce défi, une évidence : les mobilités ne sont plus un simple mode de transport, elles sont un droit. Un droit au travail, à la formation, à la santé, à la culture, au lien social. Dans trop de territoires ruraux ou périurbains, ce droit est encore fragilisé par l’éloignement, le manque de solutions, ou la dépendance à la voiture individuelle. À l’inverse, dans les métropoles, il se heurte à la saturation, à la pollution et à la complexité des usages. Cette inégalité de fait est devenue un enjeu démocratique majeur.

C’est pourquoi les collectivités territoriales doivent pouvoir exercer pleinement leur rôle de chefs de file des mobilités, en lien avec l’État mais aussi, et surtout, avec l’ensemble des acteurs – opérateurs, banques, industriels, entreprises, start-up, associations et citoyens. La mobilité de demain sera collective ou ne sera pas. Elle sera co-construite, acceptée, partagée, et pensée dans une approche systémique où chaque innovation, chaque norme, chaque investissement doit améliorer la vie des habitants.

Car les transformations sont profondes. Électrification des véhicules, développement des mobilités douces, montée en puissance de l’intermodalité, modernisation des infrastructures, numérisation des services, évolution des modèles tarifaires, sécurisation des réseaux, anticipation de la logistique urbaine… Les collectivités doivent agir avec lucidité et ambition, en intégrant l’impact de ces mutations sur les finances publiques, l’aménagement du territoire et la cohésion sociale. L’innovation n’est pas un slogan, c’est un devoir !

La Mission Ecoter, depuis plus de trente ans, accompagne ces changements avec constance. Notre rôle est d’apporter expertise, méthode, analyse et vision. Un rôle d’aiguillon, mais aussi de rassembleur. Un rôle politique au sens noble du terme : éclairer l’action publique dans ce qu’elle a de plus concret.

En 2026, la mise en place d’une Commission Mobilités marquera une nouvelle étape. Elle réunira collectivités, opérateurs et partenaires autour d’un objectif clair : produire une stratégie solide, documentée, réaliste et ambitieuse. Les travaux aboutiront à un Livre Blanc remis au ministre des Transports, afin d’alimenter le débat public et de proposer des pistes d’action opérationnelles à l’échelle nationale et locale.

Notre responsabilité, à la Mission Ecoter, est de dire les choses avec franchise : la mobilité est l’un des grands défis politiques de la décennie à venir. Les territoires qui réussiront seront ceux qui auront su anticiper, investir, coopérer, écouter. Ceux qui auront fait de la mobilité un pilier de la justice territoriale et du développement durable. Ceux qui auront compris que l’innovation technologique n’a de sens que si elle sert l’humain, le quotidien, le vivre-ensemble.

C’est dans cet esprit que nous poursuivons notre engagement. Avec méthode. Avec conviction. Avec l’exigence de ceux qui savent que la puissance publique locale est un rempart essentiel pour préserver la cohésion et préparer l’avenir. Les mobilités de demain ne se rêvent pas : elles se construisent, territoire par territoire, avec courage politique et ambition collective.