« Souveraineté Numérique des Territoires : Le Local, nouvel échelon de la maîtrise digitale ! »
Quentin MEULLEMIESTRE – Directeur Général des Services Adjoint

La notion de souveraineté numérique a longtemps été l’apanage des États et des grandes puissances. Aujourd’hui, elle s’invite avec force à l’échelle la plus proche de nos concitoyens : les territoires (communes, agglomérations, départements, régions). Loin d’être un simple écho d’une politique nationale, la souveraineté numérique territoriale est un enjeu fondamental d’autonomie, de sécurité et de service public.

En effet, nos collectivités sont au cœur de la numérisation : gestion de l’état civil, services scolaires, urbanisme, santé, plateformes de participation citoyenne. Or, une grande partie de ces services critiques repose sur des solutions logicielles, des infrastructures de cloud et des plateformes d’acteurs, souvent extra-européens (les GAFAM).

Cette dépendance crée une double vulnérabilité :

1. Le risque sécuritaire et géopolitique : L’application de lois extraterritoriales (comme le Cloud Act américain) ou les tensions internationales peuvent entraîner une perte de contrôle ou un accès compromis à des données sensibles (santé, sécurité, données personnelles des administrés). Les cyberattaques, d’ailleurs, ciblent de plus en plus directement les systèmes d’information des collectivités.
2. La perte de valeur économique et stratégique : L’argent public finance des solutions qui, en définitive, ne bénéficient pas à l’écosystème numérique local ou national, et dont la valeur (l’exploitation des données) s’échappe vers des acteurs privés étrangers.
Par ailleurs, la souveraineté numérique territoriale n’est pas un concept abstrait. Elle est la capacité concrète de chaque collectivité à maîtriser son destin numérique, ce qui implique :
La maîtrise des données : Savoir où sont stockées les données des citoyens, qui y accède et sous quelles lois (privilégier l’hébergement sur des clouds souverains certifiés SecNumCloud).
La commande publique responsable : Utiliser le levier des achats pour privilégier des solutions européennes et françaises (éditeurs, logiciels libres, infrastructures) qui garantissent une réversibilité et une éthique alignées sur le droit européen (RGPD).
L’autonomie technologique : Éviter l’enfermement propriétaire (vendor lock-in) et encourager le développement de services publics numériques en commun (mutualisation de l’expertise, plateformes de confiance) pour ne pas subir les choix technologiques des acteurs dominants.

Ainsi, les élus et les collectivités se mobilisent pour définir une Trajectoire d’Indépendance numérique Européenne. Cela passe par un diagnostic précis de la dépendance, une sensibilisation accrue des agents et une volonté politique forte de faire de l’achat numérique un acte de souveraineté.

En fin de compte, la souveraineté numérique des territoires est une responsabilité éthique vis-à-vis des citoyens. C’est l’assurance que le service public numérique, qui devient la norme, reste sous le contrôle démocratique et légitime des élus, au service exclusif de l’intérêt général. L’avenir de l’action publique locale se jouera aussi dans la capacité de chaque territoire à reprendre la main sur ses propres outils digitaux.