Le bouclier numérique des collectivités : une urgence vitale

Alors que notre pays s’appuie de plus en plus sur la numérisation pour moderniser ses services publics, les collectivités territoriales se retrouvent en première ligne d’un champ de bataille incontournable : celui de la cybersécurité. Souvent perçues comme des cibles moins stratégiques que les grandes entreprises ou les ministères, elles n’en sont pas moins des proies de choix pour les cybercriminels. Les chiffres récents sont alarmants : les attaques par rançongiciel (ransomware) contre les mairies, départements et régions se multiplient, paralysant les services, chiffrant les données des administrés et mettant à mal la continuité républicaine.

La vulnérabilité des collectivités s’explique par une convergence de facteurs techniques et organisationnels. D’abord, la diversité et l’obsolescence des infrastructures informatiques. Beaucoup de systèmes d’information sont hétérogènes, reposant sur des logiciels et matériels anciens, souvent non mis à jour, créant autant de brèches potentielles. On y trouve des serveurs sous d’anciennes versions de Windows Server, des applications métiers développées sans les meilleures pratiques de sécurité, et des réseaux internes mal segmentés, facilitant la propagation latérale des menaces.

Ensuite, la gestion des accès est un point noir. Les identifiants par défaut, le manque de politique de mots de passe forts et l’absence d’authentification multifacteur (MFA) sont encore monnaie courante. Ce sont autant d’invitations pour les attaquants. De plus, la surface d’attaque s’élargit avec le déploiement de l’Internet des Objets (IoT) dans les services urbains (éclairage intelligent, gestion des déchets, etc.), dont les équipements sont souvent mal sécurisés par défaut.

Par ailleurs, le facteur humain, quant à lui, est une porte d’entrée majeure. Le hameçonnage (phishing) et l’ingénierie sociale exploitent le manque de formation des agents sur les bonnes pratiques numériques. Un simple clic sur un lien malveillant peut compromettre un réseau entier.

Face à cette menace, il est urgent de passer d’une logique de correction des incidents à une approche de prévention et de résilience. L’État a mis en place des initiatives comme le programme “Cyber Malveillance” ou les aides de l’ANSSI (Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information), mais elles ne suffisent pas toujours à combler le retard.

Ainsi, les collectivités doivent considérer la cybersécurité comme un investissement stratégique et non comme une simple dépense. Cela passe par plusieurs chantiers prioritaires :

Réaliser un audit de sécurité complet de l’infrastructure pour identifier et corriger les vulnérabilités les plus critiques.

Mettre en place une politique de mise à jour (patch management) rigoureuse pour tous les logiciels et systèmes d’exploitation.

Segmenter les réseaux afin de contenir la propagation des attaques. Un système d’information de collectivité est un écosystème. Il est impensable qu’un dysfonctionnement d’un point ait un impact direct sur la totalité du système.

Renforcer l’authentification en généralisant le MFA, même pour l’accès aux services les plus basiques.

Former et sensibiliser en continu l’ensemble du personnel, du secrétariat aux élus, aux risques cyber.

Établir un plan de continuité d’activité (PCA) et un plan de reprise après sinistre (PRA) pour garantir la résilience des services en cas d’attaque.

Enfin, la cybersécurité est aujourd’hui une question de souveraineté numérique et de confiance citoyenne. En protégeant leurs systèmes, les collectivités ne se protègent pas seulement elles-mêmes, mais garantissent aussi la sécurité des données de leurs administrés et la continuité des services essentiels. Le temps de l’action est maintenant !

Quentin MEULLEMIESTRE, Directeur Général des Services Adjoint – Mission Ecoter